L'ergonomie, une définition
Le terme ergonomie a été proposé en 1949
par le psychologue Murrel. Les racines grecques ergon
(travail) et nomos (règles) composent le mot. L'Organisation
Internationale du Travail définit l'ergonomie comme :
« l'application conjointe de certaines sciences
biologiques et des sciences de l'ingénieur pour assurer entre
l'homme et le travail, l'optimum d'adaptation mutuelle afin
d'accroître le rendement du travailleur et de contribuer à
son bien-être ».
Un des pionniers dans le domaine, Étienne
Grandjean (1988) définit l'ergonomie comme étant l'étude du
comportement de l'homme dans son travail. Il devient nécessaire
d'adapter la tâche à l'homme pour que l'environnement soit
propice à la productivité sans que celui-ci subisse
certaines lésions attribuables au travail.
Selon les pays, l'ergonomie a connu une évolution
différente. En Amérique du Nord, l'accent a été davantage
mis sur l'étude des facteurs humains et de l'adaptation des
postes de travail aux caractéristiques humaines. Tandis qu'en
Europe, l'ergonomie a développé le concept d'analyse de
l'activité réelle de travail et de son amélioration (Sanders
& McCormick, 1993)
Adapter la tâche à l'homme
L'ergonomie est une science
interdisciplinaire, ses théories s'inspirent de la
physiologie humaine, de l'anatomie fonctionnelle, de la
psychologie, de la biomécanique du mouvement et de certains
aspects de l'ingénierie.
On ne peut pas juger l'ergonomie en tant
que science bonne ou mauvaise, la difficulté essentielle résidant
dans son application. Jusqu'à présent, l'ergonomie est
utilisée davantage comme moyen d'accroître le rendement et
la productivité.
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Quatre objectifs définissent précisément
la recherche ergonomique (Grandjean, 1988):
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Ajuster les exigences du travail aux possibilités
de l'homme afin de réduire les contraintes. |
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Concevoir les machines, les équipements et les
installations en vue d'un maximum d'efficacité, de
précision et de sécurité. |
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Étudier soigneusement la configuration des postes
de travail et les conditions de travail afin
d'assurer au travailleur une posture correcte. |
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Adapter l'environnement (éclairage, air
conditionné, bruit, etc.) aux besoins physiques de
l'homme. |
Les problèmes soulevés par
l'ergonomie ne sont pas nouveaux : l'homme a de tout
temps cherché à alléger les efforts imposés par le
travail. Les outils d'hier sont devenus de nos jours des
machines, des équipements électroniques, des
ordinateurs, des laboratoires, des lignes de production.
Notre système musculo-squelettique répond
difficilement à cette adaptation de travail. Par
exemple, le travail assis représente en moyenne sept
heures dans une journée chez le travailleur Nord-Américain.
Notre système musculo-squelettique n'est
malheureusement pas conçu pour passer autant de temps
dans cette position statique. Le fait de reconnaître
certains paramètres d'angulations propices à une bonne
posture assise de longue durée pourra entre autre
contribuer à prévenir certains déséquilibres
physiques (particulièrement les maux de dos au niveau
de la région lombaire) associés aux maladies occasionnées
par le travail sédentaire et statique.
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ACTIVITÉ TRAVAIL ET DÉMARCHE ERGONOMIQUE
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Selon Patry (1993) la fonction de
l'ergonome est de déceler, dans le travail et ses
conditions d'exécution, ce qui peut provoquer des
accidents, des atteintes à la santé, des limites au développement
des capacités des travailleurs : l'identification de
ces éléments critiques du travail doit permettre de
trouver des solutions au niveau du travail et de ses
conditions d'exécution. L'analyse de l'activité du
travailleur en situation de travail devient essentielle.
Les questions que doit se poser l'ergonome sont :
- Où est la douleur? Profil de malaise (gêne,
embarras).
- Quel(s) muscle(s) se trouve(nt) à cet endroit?
- Quel travail (i.e. quel mouvement) fait ce muscle?
ex.: posture statique prolongée, Abduction du bras,
Flexion du tronc
- Pourquoi le muscle fait-il ce travail? (Individu,
Travail, Conditions d'opération)
- Quelles sont les fonctions physiologiques et
psychologiques qu'il met en jeu?
- Quelles sont les caractéristiques du travail et
les conditions de travail qui l'obligent à procéder
ainsi ?
L'ergonome ne doit pas porter un
jugement d'expert (le travailleur devrait faire ainsi,
il devrait respecter telle consigne, utiliser cet outil
de telle manière) mais tenter de comprendre les
facteurs critiques et les déterminants de son activité
réelle.
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POSTURES ET TRAVAIL MUSCULAIRE
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Les postures sont constituées par
l'organisation dans l'espace des différents segments
corporels qui permettent à un individu de se situer et
d'agir. Plusieurs variables entrent en jeu lorsque vient
le temps d'analyser une posture prise dans l'activité
de travail. Les caractéristiques personnelles (l'expérience
de travail, la condition physique, l'âge, le sexe, les
mensurations anthropométriques), les conditions de
travail (le type d'effort, l'activité de travail, les
outils utilisés) les contraintes environnementales et
les exigences de production jouent un rôle déterminant
sur les postures adoptées par les travailleurs (figure
10.1). La posture ainsi prise constitue souvent un
compromis entre ces différentes variables.
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Figure 10.1
Facteurs déterminant la posture dans l'activité
de travail
(source:
Laboratoire de physiologie du travail et
d'ergonomie du Conservatoire National des Arts
et Métiers, Paris, France)
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EFFORT MUSCULAIRE STATIQUE OU DYNAMIQUE
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Effort musculaire statique
L'effort statique est caractérisé
par un état prolongé de contraction des muscles qui
s'applique habituellement au maintien d'une posture.
Dans la vie quotidienne, nos muscles effectuent
constamment des efforts statiques. Ainsi, dans la
position debout, toute une série de groupe de muscles
des jambes, des hanches, du dos et du cou restent
contractés de longs moments. C'est grâce à ces
efforts statiques que nous pouvons maintenir certaines
parties de notre corps dans la posture voulue. Dans la
posture assise, l'effort statique des jambes est soulagé
et la tension musculaire totale du corps est réduite,
cependant cette position assise augmente la pression
discale de 40% par rapport à la position debout (diapositive
6-21). L'effort statique étant beaucoup plus pénible
que l'effort dynamique, la composante statique exige un
effort musculaire plus important.
Nous nous devons d'éliminer, de nos
jours, les positions statiques maintenues trop
longtemps. L'effort musculaire statique entraîne une
sensation de fatigue pénible dans les muscles sollicités.
Si les positions statiques sont répétées
quotidiennement sur une longue période, une détérioration
des articulations, des ligaments et des tendons peuvent
se manifester chez l'« homo sedens ». D'après
de nombreuses observations ergonomiques, une charge de
travail statique accrue entraîne une recrudescence de :
- l'inflammation des articulations,
- l'inflammation des gaines des tendons,
- l'inflammation des points d'attache des
tendons,
- des symptômes de dégénérescence
chronique des articulations sous forme d'arthrite,
- des troubles au niveau du disque.
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Le tableau 10.1 répertorie des
troubles liés à certaines formes de travail statiques
pour la région lombaire.
Tableau
10.1 Douleurs corporelles au dos causées
par des efforts statiques
Posture de travail |
Parties du corps
affectées |
Cartes de la douleur |
Buste penché en avant en
position assise |
Région lombaire: détérioration
des disques intervertébraux |
Musculaire, discale |
Assis, le buste droit (90°),
sans dossier ou avec dossier mais sans
l'utiliser |
Muscles extenseurs du dos |
Musculaire |
Assis, les genoux plus
bas que les hanches |
Pressions discales
lombaires dû à un dos en cyphose |
Discale |
Position debout, genoux
droits, dos fléchi |
Augmentation remarquable
de la pressions sur les disques
intervertébraux |
Discale |
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Effort
musculaire dynamique
L'effort dynamique caractérisé par une alternance
rythmique de contractions et d'extensions, de tension et
de relâchement, est sans contredit, l'effort musculaire
le plus adéquat pour l'humain. Dans une situation
dynamique, l'effort s'exprime par le raccourcissement du
muscle et par la puissance visible développée. Le
muscle, dans un effort dynamique, se comporte comme une
pompe dans le système sanguin. L'alimentation sanguine
devient rapidement supérieure à la normale. Le muscle
peut ainsi retenir le sucre et l'oxygène fournisseurs
d'énergie. L'activité physique modérée devient donc
un facteur important de protection dans notre mode de
vie sédentaire.
Dans la position statique, les déchets
ne sont pas évacués, ils s'accumulent et provoquent
douleur et fatigue, d'où la nécessité de varier ses
postures ou positions pendant la journée. Nous ne
sommes vraiment pas fait pour rester assis de longues
heures à rentrer des données informatiques (figure
10.2).
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MANUTENTION ET MAUX DE DOS
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Une activité consistant à lever,
manipuler ou traîner des charges, implique de gros efforts
dynamiques et peut être classée dans les travaux pénibles.
Le problème essentiel ne vient pas des efforts importants
imposés aux muscles, mais d'un phénomène beaucoup plus
grave : l'usure et la détérioration des disques intervertébraux,
s'accompagnant de risques accrus de troubles fonctionnels du
dos.
Dans le cas du soulevé d'une charge, si le
dos est courbé, il se produit une augmentation brutale de la
pression à l'intérieur des disques (diapo
6-17), ce qui amène vite une surcharge pour l'anneau
fibreux situé entre les vertèbres. De plus, lorsque le dos
est courbé et que la colonne vertébrale s'arrondit au niveau
des vertèbres lombaires, les charges imposées aux disques
sont très importantes et asymétriques, c'est-à dire
beaucoup plus importante sur l'avant du disque que sur l'arrière
(figure 10.3). Les charges résultantes sont alors très
nuisibles et constituent un élément important dans la détérioration
du disque. Le dos rond entraîne une pression plus élevée
sur le bord avant des disques, ce qui peut engendrer une
augmentation du risque de rupture. Tandis que le dos droit,
permet une bonne répartition de la pression sur la totalité
du disque, réduisant par le fait même les risques d'usure et
de dégradation de l'anneau (Grandjean, 1988; Pheasant, 1990)

Figure 10.3
Répartition de
la pression sur les disques intervertébraux pendant
la levée d'une charge. Dos courbé à gauche et dos
droit à droite.
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Des règles bien précises sont fondées
sur certaines connaissances scientifiques et pratiques. L'école
interactionnelle du dos préconise huit commandements pour
soulever des charges tout en évitant un risque de surcharge
(figure 10.4).
Figure 10.4
Identifications des huit commandements pour éviter la
surcharge
- Le corps doit se trouver le plus près possible
de la charge (bon encadrement)
- Corps droit avec une base solide (largeur des
pieds plus grande que largeur des épaules)
- Empoigner la charge de telle façon que l'on
puisse la déplacer en laissant le dos droit.
- Bassin verrouillé (contracter les muscles
stabilisateurs du bassins, abdominaux et dorsaux)
- Les genoux légèrement fléchis
- Bras tendus
- Le dos droit, disques bien placés
- Bonne respiration, oxygénation des muscles
fournissant l'effort.
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Les Suédois Nachemson et Anderson
ont réalisé une étude très complète sur les
effets des différentes postures et du maniement des
charges, sur la pression à l'intérieur des disques
intervertébraux. Courber le dos en gardant les jambes
tendues impose une tension plus grande aux disques de
la région lombaire que plier les jambes en gardant le
dos droit. (figure 10.5)

Figure 10.5
Posture et pression discale
Influence
de la posture sur la pression exercée sur
le disque séparant la 3e et la 4e vertèbre
lombaire, pendant une levée de poids
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remonter
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Postures assises
Il existe certains avantages d'être assis
lors d'un travail. Les jambes supportent moins le poids du
corps, les mauvaises postures semblent plus rares, la
consommation d'énergie est réduite et le système sanguin
est moins sollicité. La position statique assise permet d'être
moins fatigué que la position debout statique (effort
musculaire moins grand pour maintenir l'individu assis
statique que debout statique).
Cependant, la position assise prolongée
entraîne des inconvénients. Le relâchement des muscles
abdominaux protecteurs et indispensables dans le verrouillage
du bassin en sont un exemple. Une déviation de la colonne
vertébrale (dos rond) altère le fonctionnement des systèmes
digestif et respiratoire. De plus, dans un grand nombre de
postures assises, les muscles du dos semblent trop souvent
contractés (voir
carte musculaire).
Les travailleurs assis placent souvent
leurs dos en position arrondie (cyphose,
figure10. 6). La posture ainsi adoptée implique souvent une
cyphose dorsale pour 36% des gens assis ou une cyphose dorsale
et lombaire pour 54% de ceux-ci. Suite à l'analyse de
comportements posturaux de certains travailleurs assis (Grandjean,
1988 ; McCormick et Sanders, 1993 ; Côté, 1997), la tendance
favorise une posture en cyphose due au glissement de leur
corps vers l'avant. Cette posture ainsi prise sur de longue période
peut contribuer à de sérieux malaises au bas du dos de
l'individu. La cyphose lombaire est donc à éviter. Elle
augmente, par un effet de barre à clou, la pression à l'intérieur
des disques. Cette posture crée également des désordres
anatomiques importants pour celui ou celle qui conduit ou est
assis à écrire ou à dactylographier. La cyphose lombaire
semble davantage relié à ceux qui ont mal dans le bas du
dos. Elle crée aussi une contrainte musculo-squelettique sur
le tronc du travailleur. Cette posture entraîne une fatigue
des muscles lombaires et paraspinaux. De plus, cette mauvaise
posture implique un mode de chargement asymétrique des
disques intervertébraux.
remonter

Figure 10.6 Bascule du
bassin lors du passage de la position debout à la
position assise
S'asseoir
implique un basculement du bassin (indiqué par une
flèche), le sacrum se redresse, la colonne vertébrale
n'est plus en position de lordose mais en cyphose
remonter
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Certains chercheurs en ergonomie du travail
(Andersen & Ortengren, 1967 ; Nachemson, 1974 ; Yamaguchi,
Umezawa & Jshinada, 1972) se sont penchés sur les effets
de l'inclinaison et de la forme du dossier des sièges sur la
pression à l'intérieur des disques. Ils ont déterminé l'
influence importante de l'inclinaison du dossier par rapport
à l'assise du siège sur la pression discale dans les muscles
du dos (figure 7). Aucune position assise maintenue longtemps
n'est bonne. Cependant, il existe des angles d'inclinaison du
dossier par rapport à l'assise où la pression discale est
moindre. À cet effet, une ouverture supérieure à 90°, i.e.
95° à 115° permet de réduire les pressions discales. Les
sujets doivent prendre le temps de bien s'appuyer sur leur
dossier.

Figure 10.7
remonter
Influence de
l'inclinaison du dossier par rapport à l'assise du
siège sur la pression discale (L3-L4)(p.73,
Grandjean
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Tableau 10.2 Résume
des principales données ergonomiques à respecter en
position assise
Angle du dossier par rapport à l'assise |
95° à 115° |
Inclinaison possible de l'assise vers l'arrière |
3° à 12° |
Angle de l'appui-tête favorable à une
flexion du cou |
5° à 20° |
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Sept principes de base pour favoriser une
bonne posture (Corlett, 1978; Pheasant 1986).
- Évitez le plus possible, l'inclinaison de la tête et
du cou.
- Évitez le plus possible l'inclinaison du tronc.
- Évitez l'utilisation des membres supérieurs dans
certaines actions où les membres inférieurs peuvent être
utilisés. Ex. soulever un malade pour l'asseoir.
- Évitez les positions asymétriques et les positions de
torsion (twisted positions).
- Lors d'efforts musculaires, placez les articulations au
tiers ou à la moitié de leur mouvement de flexion.
- Prendre des mesures pour garder le dos le plus au repos
possible
- Respectez les forces musculaires de chaque individu.
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L'étape consacrée au terrain complète
l'intervention thérapeutique entreprise à la rencontre précédente.
Pour confronter leurs peurs du mouvement, les clients sont
amenés à réaliser la solidité de l'assemblage vertébral.
Une solidité qui, toutefois, n'autorise pas toutes les
excentricités posturales ou bio-mécaniques. Cette leçon en
précise les limites. Certaines contraintes prévisibles
occasionnent en effet des blessures graves au disque (284).
Des postures spécifiques entraînent inévitablement des
douleurs musculaires bien localisées (231). En fonction de la
nature de la tâche de travail, ces contraintes affecteront
différemment les intéressés (285). Pour aider le
lombalgique à devenir de plus en plus capable de composer
avec ses maux de dos, le praticien l'amène à faire des liens
entre douleur lombaire et mouvements ou postures dans le
quotidien (tableau 10.1).
Tableau 10.1
Douleurs corporelles au dos causées par des efforts
statiques
Posture de travail |
Parties du corps affectées |
Cartes de la douleur |
Buste penché en avant en
position assise |
Région lombaire: détérioration
des disques intervertébraux |
Musculaire, discale |
Assis, le buste droit (90°),
sans dossier ou avec dossier mais sans
l'utiliser |
Muscles extenseurs du dos |
Musculaire |
Assis, les genoux plus bas que
les hanches |
Pressions discales lombaires dû
à un dos en cyphose |
Discale |
Position debout, genoux droits,
dos fléchi |
Augmentation remarquable de la
pressions sur les disques intervertébraux |
Discale |
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