SCEM : un pas de plus vers la Supply Chain
(par Alain BORRI)
Edito
Voici encore un nouveau terme barbare que certains technocrates ont encore sorti
de leur chapeau, me direz-vous! Et bien pas tout é fait car méme s'il s'agit
bien d'un nouveau sigle venu des Etats Unis, cette fois-ci il y a une dimension
bien concréte.
Chaéne
logistique : ensemble des acteurs intervenant sur la continuité du
flux.
Si, on s'en tient é la définition que donne le cabinet américain AMR Research, pére du SCEM, les outils informatiques de Supply Chain Event
Management doivent piloter, alerter, simuler, contréler et mesurer une supply
chain. Ce premier niveau de définition reste théorique, et ne permet pas au
premier Supply Chain Manager venu de comprendre la véritable dimension de ce
concept. Or, derriére cette liste de verbes, il y a avant tout un terme é
retenir : PILOTAGE
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En effet, on nous a trop longtemps bassinés avec le
pilotage de la Supply Chain alors que jusqu'é présent 100%
des pilotes ne disposaient pas d'une formule 1 mais plutét
d'une carriole constituée du téléphone, du fax, de
l'e-mail et d'excel. En effet, aujourd'hui encore le seul
moyen de piloter une Supply Chain est de mesurer tant bien
que mal le taux d'insatisfaction client é travers les
"remontées" d'informations des commerciaux et du
call-center. A titre de comparaison, on pourrait prendre
l'exemple d'un conducteur qui jugerait de sa trajectoire de
son véhicule en regardant défiler la route dans ses rétroviseurs.
La comparaison n'est pas exagérée car de nos jours les
services de pilotage logistique des entreprises, au sens
d'exploitation et non au sens de conseil, passent la majorité
de leur temps é subir les événements au lieu de les
anticiper.
La plupart des outils dont ils disposent ont été conéu é
des fins d'optimisation (optimisation des lancements des
lots de production, optimisation des emplacements en stock,
amélioration des temps de préparation de commande,
optimisation du chargement des véhicules, optimisation des
tournées des chauffeurs...) Ces outils bien que trés
performants reposent sur une planification de 6 mois é 1
jour, considérant qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des
imprévus de derniére minute. Or, nous savons tous que
chaque jour apporte son lot d'imprévus. Or la gestion des
événements de la chaéne logistique inclut le suivi des
exceptions, des événements et des états sur l'ensemble
d'une chaéne logistique globale. Selon AMR Research, ce
marché représenterait plus de 1,1 milliard de dollars
d'ici 2005. AMR estime en effet que cette fonctionnalité
sera appelée é faire partie de toutes les futures
applications de Supply Chain Management.
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En effet, le Supply Chain Management regroupait jusqu'alors
deux composantes distinctes : les solutions de Supply Chain
Planning (SCP) et de Supply Chain Execution (SCE). Les
outils de SCP ont pour vocation de simuler et planifier
l'ensemble des process de la supply chain tandis que les
applications de SCE permettent de gérer l'opérationnel au
sens d'exécution (transport/logistique). La mise en place
de ces solutions a montré qu'il n'existait pas de lien opérationnel
entre la planification théorique et l'exécution des
process. Le Supply Chain Management repose sur une approche
pyramidale descendante se déclinant tout d'abord par des
modéles stratégiques puis tactiques ensuite opérationnels
et enfin exécutifs. Or, cette approche unidirectionnelle du
pilotage de la Supply Chain n'est pas satisfaisante dans la
mesure oé il n'y a pas de remontée d'information en temps
réel sur les dysfonctionnements inhérents au métier de la
logistique.
Voici trés clairement ce que dénonce le concept de Supply
Chain Event Management qui prend le parti de coller é la réalité
de l'exploitation plutét que de calculer a priori des
hypothéses logistiques souvent rendues caduques avant méme
leur mise en place. Le réle des outils de Supply Chain
Event Management est donc bien de coordonner les deux autres
piliers de la SCM (SCP et SCE).
Suite aux développements qui viennent d'étre énoncés, on
pourrait penser que les outils de Supply Chain Event
Management apportent la solution é la visibilité ( ou traéabilité
) de la supply chain. IL n'en est évidemment rien car pour
que visibilité il y ait, il faut un certain nombre de pré
requis. En effet, les outils de SCEM ne remplacent en aucun
cas les outils de terrain qui traduisent informatiquement
les opérations de transport et de logistique en cours.
En clair, si l'outil de SCEM n'est pas alimenté plusieurs
fois par jour d'informations qui remontent des informatiques
des opérateurs et prestataires logistiques, il ne peut en
aucun cas jouer son réle de pilote pro-actif.
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C'est pourquoi les véritables solutions de SCEM disposent
toutes d'un module de communication capable d'échanger des
informations avec plusieurs systémes d'informatiques hétérogénes
mais encore faut-il qu'il y ait des événements é échanger.
Dés lors, on touche la premiére limite du concept et de
l'outil. Cette limite provient de la qualité méme des
informations qui peuvent étre données par chaque
intervenant de la chaéne logistique. Entendu
qu'aujourd'hui, peu de prestataires sont capables de donner
en temps réel une information fiable é 100%. A partir de
ce constat, certains "chargeurs" (industriels et
distributeurs) mettent en doute les outils de SCEM. Il
s'agit, é mon sens, d'une erreur lourde de conséquences
car en adoptant un comportement attentiste, il est évident
que les prestataires ont peu de chance de faire évoluer
leur informatique interne vers une solution plus fiable et
plus communicante.
En revanche, une attitude volontariste permet d'exercer une
pression positive envers ses prestataires dans un but d'amélioration
de leur propre exploitation é travers l'analyse des
informations recueillies par l'informatique terrain. C'est
aussi et surtout un bon moyen d'identifier les meilleurs
c'est é dire ceux qui ont d'ores et déjé mis en place un
systéme de traéabilité de leur exploitation car, avec les
outils de SCEM, il n'est désormais plus possible de vivre
heureux en vivant caché.
Le Supply Chain Event Management est un concept novateur qui
doit permettre é la Supply Chain de franchir un nouveau
cap. Ce concept est simple é comprendre mais difficile é
mettre en place en raison de l'émergence encore récente
des nouvelles technologies dans les milieux industriels et
surtout en raison des freins technologiques et
psychologiques que certains acteurs de la chaéne
pourraient, pendant quelques temps encore, tenter
d'utiliser.
Aussi, nous aurons réguliérement l'occasion de revenir sur
le SCEM et ses applications concrétes en France et dans le
monde.
Alain Borri