Enron avait fait transférer ses dettes dans quelque
800 filiales. Kneten Rocky/Gamma
|

|
Du flou des comptes à la dissimulation pure et simple, les artifices sont
légion pour parvenir à afficher tel ou tel résultat. En voici quelques
exemples:
LA DIVERSION
Pratique la plus simple, mais pas la moins répandue, l’entreprise choisit,
pour présenter ses résultats, de mettre en avant celui qui a sa préférence.
Si le résultat net n’est pas reluisant, on avance le résultat
d’exploitation, la marge opérationnelle ou le résultat courant. Mais la
mode issue de la «nouvelle économie» est l’EBITDA, un «excédent brut
d’exploitation» calculé avant frais financiers, dépréciations d’actifs ou
amortissements. Il a le grand avantage d’être toujours positif.
LE CHANGEMENT DE NORMES
Les entreprises changent parfois de normes comptables suivant les
exercices, passant, par exemple, des normes françaises aux américaines. «De
grands groupes français l’ont fait. Cela laisse une liberté d’action
immense. A certains moments importants de la vie de l’entreprise, on
choisit telle norme plutôt que telle autre», explique Régis Turrini,
banquier d’affaires chez Arjil et Associés. Par souci d’harmonisation,
plusieurs voix ont appelé récemment à la généralisation des normes à
vocation internationale IAS.
LE JEU SUR LE PÉRIMÈTRE
Suite aux nombreuses acquisitions et fusions des dernières années, les
entreprises présentent des comptes dits «pro forma»: pour rendre les
performances comparables d’une année sur l’autre, les résultats sont
retraités rétroactivement. Mais aux Etats-Unis, par exemple, ces comptes ne
sont pas reconnus officiellement. La banque d’affaires Merrill Lynch a cru
bon de devoir demander, le 6 mars, à ses analystes d’aller au-delà des
comptes pro forma.
LES PROVISIONS EXCEPTIONNELLES
Pour un nouveau directeur, il est tentant de «charger la barque» en passant
des provisions pour risque, restructuration ou dépréciations d’actifs. Cela
peut entraîner une perte, mais permet de rebondir les années suivantes.
L’ancien PDG d’Alcatel, Pierre Suard, a accusé son successeur, Serge
Tchuruk, qui s’en est défendu.
LES DURÉES D’AMORTISSEMENT
Plus elles sont longues, plus on diminue les charges.
LES «SURVALEURS»
Il s’agit de la différence entre le prix d’acquisition d’une entreprise
quand la transaction fut réalisée et son prix actuel. Après les nombreux
achats effectués au plus fort de la bulle de la «nouvelle économie», qui a
depuis éclaté, les entreprises prédatrices ont aujourd’hui des milliards
d’euros de survaleurs à amortir. Elles peuvent être lissées sur plusieurs
années, mais plus dans les normes américaines.
LES ENGAGEMENTS HORS BILAN
C’est la grande manipulation à l’origine de la faillite d’Enron. Le
courtier en énergie avait fait transférer ses dettes dans quelque 800
filiales appelées Special Purpose Entities (SPE) et créées dans des paradis
fiscaux tels que les îles Caïmans.
GONFLER ARTIFICIELLEMENT LES VENTES
Ce fut le moyen (illégal) choisi par la société belge de technologies de
reconnaissance vocale Lernout et Hauspie, considérée avant sa faillite de
2001 comme une grande réussite. Elle avait gonflé ses ventes de licences
informatiques à des jeunes pousses créées en fait à son initiative en
Belgique et en Asie. Le groupe de télécommunications américain Global
Crossing a recouru à des techniques assez proches.
|